Ghislaine Vappereau, Philippe Nottin, Kanal magazine, mars 1985

GHISLAINE VAPPEREAU

A l’origine de ces agencements de meubles et objets de cuisine, une petite casserole émaillée bleue et blanche, érodée comme une aïeule. Vestige d’un temps englouti, elle a déclenché un lent processus de reconstruction, un jeu ininterrompu entre les couleurs, les volumes, les matériaux. Leur mélange se résume en un « sentiment de la cuisine ». Pour remplacer les pièces manquantes du puzzle, Ghislaine Vappereau est allée dénicher des horloges électriques, des buffets, des « frigo » aux portières de Buick, pur Barbes des années 50, les années de sa petite enfance. Déjà dans les premières installations, le jeu des plans successifs, la couleur et la lumière créaient un espace fictif. Les objets perdaient leur valeur d’usage et la cuisine retrouvait son état de « latence ». Pax-Pax-Pax ! Paic ! Cif-Cif ! Les détersifs jetaient des pépiements d’oiseaux !…

Diorama plutôt qu’environnement, la cuisine était perçue d’une manière frontale. Par la suite, les perspectives ont basculé, comme si notre œil voyageait à l’intérieur de l’espace créé.

Les « bas-reliefs » présentés à Amiens portent encore le terme générique de cuisine, mais le temps s’est condensé, l’espace raccourci. L’écrasement des plans, la presque mise à plat, s’organisent d’une manière violemment synthétique. En s’arrachant au sol, le mobilier à présent disloqué n’est pas entré en état d’apesanteur. Des tensions nouvelles soumettent les formes aux lois de la gravitation, les étirent, les déportent sur deux plans à la fois. En passant du sol au mur, le carrelage omniprésent structure l’espace. Peinture autant que sculpture, le travail de Ghislaine Vappereau est d’une rare qualité. Tout est parfaitement pensé, maîtrisé, sans jamais perdre de sa poésie. Il devrait retenir l’attention des meilleures galeries.

Philippe Nottin

Galerie Garnier
24, rue Dusevel
80000 Amiens